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Vous retrouverez ici divers articles, auxquels j'ai participé, concernant la psychologie et la psychologie du sport (page actualisée régulièrement - les articles les plus récents se trouvant en haut de page).

 

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Interview réalisée en décembre 2015 mais retrouvée dans mes archives en août 2019...! Sujet original sur l'approche du double au tennis, traité par des étudiants du CFJ (Centre de Formation des Journalistes) pour concourir au Prix L'Equipe Explore (qu'ils ont finalement remporté - Prix récompensant le "Meilleur grand reportage multimédia réalisé par des étudiants en journalisme"). Entretien complet ci-dessous.

 

Des citations de cet entretien sont reprises dans le reportage "Jamais simple", sur le site du CFJ : https://www.cfjparis.com/fr/jamais-simple-prix-explore-2016/

Ainsi que sur le site de l'Equipe.fr suite à l'obtention du Prix Explore 2016 (le lien ne semble malheureusement plus fonctionner...) : https://www.lequipe.fr/explore/prix-explore-2016-jamais-simple/

 

Etudiants CFJ : Quelle relation les joueurs de double doivent-ils avoir pour avoir la meilleure performance ?

Il n'y a pas vraiment de règles... On aurait tendance à dire qu'il faut bien s'entendre pour être performant, mais des joueurs de haut niveau doivent pouvoir mettre de côté leurs inimitiés durant un match. A l'inverse, deux "amis" pourraient risquer de jouer leurs matchs moins sérieusement. Donc bien s'entendre peut-être une condition de la performance (quand même !) mais n'est pas non plus indispensable. La complémentarité et "l'entente tactique" sont certainement plus importantes.

Faut-il nécessairement être amis en dehors des terrains pour être performant en double ?

Voir réponse ci-dessus.

En dehors des courts doit-on tout partager (repas, console, footing…) ou garder des moments à soi ?

Si on part du principe qu'il n'est pas forcément nécessaire d'être "amis", on n'est alors heureusement pas obligé de tout partager en dehors. Il est en revanche évidemment essentiel de partager dans le domaine sportif (entraînements). Cependant, là encore le partage (en dehors) peut être une force, afin de souder l'équipe encore plus, mais garder des moments pour soi, même courts, est généralement nécessaire (même si tout dépend de la personnalité).

Comment fait-on accepter à un tennisman, sportif individuel par essence, de jouer avec quelqu’un d’autre ?

Pour le tennis, on parle plutôt de sport-duel plutôt que de sport individuel. Et le tennis est finalement moins un sport individuel qu'on pourrait le penser. Dès le plus jeune âge, les tennismen sont habitués à jouer en "matchs par équipe", et le double est une discipline qui a sa place dans l'enseignement très jeune. Les joueurs aiment plus ou moins le double, mais il n'y a généralement aucune difficulté à faire accepter à un joueur de s'associer à un autre.

Doit-il y avoir un leader ? Si oui, sur quels critères ?

Là encore, pas de règle... Les deux joueurs peuvent être des leaders sur des critères différents. L'un sera peut-être le "leader tactique" pour mettre en place la stratégie à adopter face à l'équipe adverse, tandis que l'autre sera peut-être un "leader émotionnel" qui saura contenir les frustrations de son coéquipier et l'encourager quand il le faut. Il peut y avoir d'autres types de leadership. Chacun a sa force, l'essentiel est que les différentes forces se combinent pour trouver la complémentarité qui mènera à une bonne performance. Etre leader n'est pas un statut, c'est une reconnaissance des autres membres de l'équipe. Cette reconnaissance peut varier à tout moment, et donc un "leader" peut ne plus l'être au fil du temps. Le capitanat est un statut, mais dans une équipe de double au tennis il n'y a pas de capitaine : il y a soit deux joueurs qui disputent un tournoi ensemble sans autorité pour les diriger, soit deux joueurs qui sont dirigés par un capitaine lors de matchs par équipe (Coupe Davis).

Faut-il contenir ses émotions en double ou au contraire les partager avec son coéquipier ?

Plutôt que les contenir, il faut apprendre à les gérer. Le problème des émotions est qu'elles sont contagieuses, on parle de "contagion émotionnelle". Ainsi, les émotions que ressent un joueur vont avoir tendance à se transmettre à son partenaire. Si les émotions sont positives, pas de problème. En revanche si elles sont négatives, ça peut être dangereux ! Cependant, même sans les exprimer, généralement le partenaire les perçoit, ce qui peut aussi lui permettre de remotiver son coéquipier. La réponse est donc difficile, je dirais qu'il faut de toute façon apprendre à gérer ses émotions, qu'il ne faut pas avoir peur de les exprimer à son partenaire, mais qu'il est aussi important de trouver un équilibre et de ne pas avoir des émotions trop extrêmes qui seraient contagieuses.

Le rôle de l’entraîneur : doit-il privilégier une approche collective ou individuelle dans son management ?

Si on parle toujours du double, l'approche sportive collective semble essentielle. Le travail individuel pour les matchs de simple se fera en-dehors. Mais l'individualité de chacun ne doit pas non plus être remise en cause, le rôle de l'entraîneur est aussi de savoir s'adapter à la personnalité de chacun de ses joueurs tout en développant l'objectif collectif. 

Faut-il garder un esprit individualiste dans le double ou tout doit-il être collectif ?

La performance est rarement bonne en associant deux joueurs "de simple" qui ne se sont jamais entraînés ensemble et ne se connaissent pas. On a alors le sentiment de voir se disputer deux parties de simple simultanément ! Le double au tennis est un vrai sport collectif, la cohésion est essentielle. La force d'une équipe n'est pas égale à la somme des qualités de ses joueurs. On peut associer Djokovic et Federer, je ne suis pas sûr qu'ils l'emportent face aux frères Bryan que le grand public ne connaît pourtant pas !

Celui qui ne fait que du double a-t-il perdu toutes les notions individuelles du tennis ?

Même les joueurs qui ne jouent qu'en double ont forcément appris à jouer en simple au départ ! Ils ont ensuite forcément développé des automatismes de double que les joueurs "de simple" auront moins, mais ils gardent évidemment les notions individuelles bien ancrées.

L’approche est-elle encore différente dans le cadre d’un double mixte ?

Le double mixte est une épreuve assez particulière, car des règles implicites entrent souvent en jeu. On imagine mal un joueur "allumer" son adversaire féminine au filet, alors qu'il sera certainement moins réticent face à un homme. Cela étant, dans l'ensemble, les éléments cités au fil de cet interview me semblent correspondre aussi bien au double hommes, qu'au double femmes, qu'au double mixte.

 


 

Interview réalisée en avril 2018 par le journal LeParisien pour un article publié dans la version papier et en ligne du journal le vendredi 13 avril 2018, consacré aux superstitions des sportifs. Entretien complet ci-dessous.

 

Des citations de cet entretien sont reprises dans l'article "Vendredi 13 : ces sportifs si superstitieux" du journal Le Parisien du 13/04/18, en version papier et en ligne sur le lien suivant : http://www.leparisien.fr/sports/vendredi-13-ces-sportifs-si-superstitieux-13-04-2018-7661637.php

 

Le Parisien : Qu’est-ce qui relève de la superstition, du fait religieux, des petites manies (des sortes de tocs), du geste qui aide à rester « dans son match » ? Comment les différencier ?
Sébastien Magne : Ce que l’on prend souvent pour une superstition est plutôt ce qu’on l’on va appeler une routine de performance, mais il est parfois difficile de les distinguer l’une de l’autre.

  • la superstition désigne une croyance à des influences surnaturelles qui sont lisibles dans les gestes anodins de la vie quotidienne. Il y a donc une part de « magie » : les sportifs vont juger que leurs actions de tous les jours ont la puissance de contrôler la chance ou tout autre facteur extérieur à la performance. L’effet supposé de l’action effectuée sur la performance finale échappe à toute rationalité. Par exemple, croire que l’on va faire un bon match parce que l’on a trouvé un trèfle à 4 feuilles.
  • La routine de performance, plus proche du rituel, est une sorte de coutume immuable qui est apprise et utilisée intentionnellement pour faciliter la performance. Le sportif contrôle le rituel, alors qu’il a plutôt tendance à subir la superstition. La routine de performance a un lien direct avec l’activité sportive car elle a un sens pour l’athlète, elle lui sert à maîtriser l’environnement. Par exemple, la position de Jonny Wilkinson pour frapper une transformation.

Tous les sportifs ont des routines de performance, et quasiment tous ont des superstitions, mais leur nombre varie selon les individus.

Quels sont les différents types de superstitions dans le sport ?

Il existe une infinité de superstitions, car elles sont avant tout personnelles (même si certaines peuvent être partagées, culturellement notamment). Chacun construit sa routine et/ou sa superstition au fil du temps : lorsqu’on se rend compte que l’on a fait une action avant une victoire, on aura tendance à la reproduire en espérant qu’elle apporte la même réussite. Chaque réussite va renforcer la croyance, et il arrive un moment où cette croyance est tellement ancrée que l’échec ne la remettra pas en doute pour autant ! Du coup, tout peut devenir superstition/rituel : porter un certain numéro de maillot, avoir un objet fétiche, garder un vêtement porte-bonheur, se gratter le nez, avoir sa place fixe dans le vestiaire, se tirer sur le slip pour Nadal… !

Pourquoi, comment devient-on superstitieux ? Est-ce par manque de confiance en soi ?

Comment ? = cf. question précédente. Il y a forcément un lien entre la confiance en soi et l’émergence d’une superstition, car elle apparait la première fois quand on a l’impression que nos capacités risquent de ne pas suffire face à la tâche à accomplir ; on cherche alors un moyen de se rassurer, et de contrôler autant que possible la situation (cf. question suivante). La superstition apporterait la chance, c’est pourquoi même des supporters devant leur télé peuvent en avoir !

Certains rituels perçus comme des superstitions aident-ils surtout à la concentration ?  (C’est ce que dit Nadal)

Ils aident même à plus que ça ! Au maintien de la concentration, à diminuer le stress, à augmenter la confiance en soi…ils sont donc loin d’être inutiles !

  • Rassurer le sportif en lui donnant le sentiment de contrôler une situation incontrôlable,
  • Se fixer dans un espace connu et sécurisé, et donc réduire l’incertitude qui est à la base du stress et de l’anxiété (le stress apparaissant lorsqu’on ne contrôle pas la situation, répéter toujours les mêmes gestes va permettre de le réduire en ayant le sentiment de contrôler tout ce qui dépend de nous-mêmes, réduisant ainsi l’apparition de situations anxieuses),
  • Renforcer la confiance en soi,
  • Atteindre une concentration optimale en éliminant les distractions

Lors d’une étude, il a été demandé aux « cobayes » d’apporter un porte-bonheur avec eux. On les a ensuite aléatoirement partagés en deux groupes, un groupe qui allait effectuer une tâche de mémorisation avec son porte-bonheur, et l’autre sans. Les résultats montrent qu’en moyenne ceux qui avaient leur porte-bonheur se sentaient plus en confiance, se sont fixés des objectifs plus ambitieux, et ont été plus performants !

Malgré ces effets bénéfiques, il faut faire attention à l’accumulation de petites manies qui pourraient à force tourner à l’obsession et s’apparenter à des Troubles Obsessionnels Compulsifs (TOC) : lorsque le sportif perd le contrôle de ses petites habitudes et qu’il ne peut plus s’en passer, elles finissent par être nocives et l’handicaper dans la performance.

Nadal et ses bouteilles par exemple, est-ce une superstition ?

Superstition ou routine de performance ? On voit là que la frontière est extrêmement fine… Superstition au départ, car effectivement il ne semble y avoir aucun lien direct entre le fait de mettre l’étiquette de sa bouteille à l’exacte perpendiculaire de la ligne de fond de court, et la performance sportive. Mais cette superstition s’est transformée en routine car elle devenue nécessaire à la concentration et à la gestion du stress…

Le sportif de haut niveau est-il plus superstitieux que le Français moyen ? Est-on plus superstitieux lorsqu’on pratique un sport collectif ou individuel ? Lorsqu’on est une femme ou un homme ?

Il est difficile de dresser le portrait-type du sportif superstitieux car, on l’a vu, quasiment tous les sportifs ont des superstitions. Toutefois, des études ont effectivement montré que le degré de superstition des sportifs augmente avec le niveau de jeu (d’une manière générale, un joueur de foot de L1 sera donc plus superstitieux qu’un joueur amateur – même s’il y a évidemment de nombreuses exceptions, ce n’est qu’une moyenne !).

J’avais réalisé une étude purement descriptive (non publiée) auprès de 600 joueurs et joueuses de tennis de tout niveau. Il ressortait que plus de 85% d’entre eux avaient au moins un rituel superstitieux. On trouvait effectivement qu’il y avait en moyenne davantage de superstitions quand le niveau de jeu augmentait ; qu’il y avait de moins en moins de superstitions en vieillissant ; que les femmes en avaient davantage que les hommes (l’étude montrait aussi que leur niveau d’anxiété était plus élevé, et leur confiance en soi plus faible, ce qui peut donc expliquer qu’elles aient davantage de superstitions).

Je n’ai pas connaissance d’étude portant sur la distinction entre sport collectif et individuel. J’aurais a priori tendance à penser qu’il n’y a pas vraiment de différence… Même si dans un sport collectif il peut y avoir davantage de superstitions partagées au sein de l’équipe, qui se diffusent d’un joueur à l’autre. Un « cri de guerre » est par exemple une routine de performance collective.

Il semble aussi que les croyants soient un peu plus superstitieux que les non-croyants : ce qui leur arrive est guidé par Dieu, leurs superstitions agissent comme des prières, elles permettent de faire appel à Dieu pour qu’il donne le « coup de pouce » qui mènera au succès. Mais on se rend compte également que des athés et des non-croyants sont aussi très superstitieux (d’ailleurs, il suffit de voir le nombre de personnes qui jouent au Loto les vendredis 13 ! Ils ne croient pas tous en Dieu, mais croient un minimum en la superstition…! Une étude de 2001 a montré que 53 % des français croient aux porte-bonheurs [et ce n’est que du déclaratif !], mais 66 % estiment ne pas être superstitieux !).

Le superstitieux est-il convaincu de l’efficacité de son rituel ?

Bien souvent…non ! La plupart du temps il se dira que ce qu’il fait ne sert à rien, et peut même avoir conscience de pouvoir apparaître « ridicule » vu de l’extérieur. Mais c’est plus fort que lui, après tout « on ne sait jamais », « ça ne coûte rien d’essayer » ! Il y a toujours un petit côté honteux à avouer que l’on est superstitieux, car le sportif sait bien que sa pensée n’est pas rationnelle. Il n’est donc pas toujours facile d’en parler, par peur du jugement des autres (en particulier de ses partenaires et de son staff), même si c’est de moins en moins vrai car l’efficacité des rituels et superstition est davantage connue aujourd’hui. Surtout, le sportif se doit d’avoir une grande confiance en lui et en ses capacités : il est plus valorisant de s’attribuer un succès que de l’attribuer à une pensée irrationnelle presque magique !

 


 

Interview réalisée en septembre 2017 par Tennis Magazine pour un article publié dans la version papier du journal, consacré aux superstitions des joueurs de tennis, notamment en lien avec leur serviette. Entretien complet ci-dessous.

 

Des citations de cet entretien sont reprises dans l'article "Psycho : Mais à quoi pensent-ils" du Tennis Magazine N°494 (février-mars 2018)

Tennis Magazine :  Peut-on voir dans la serviette une symbolique plus forte, un instant de réconfort en se cachant ? Beaucoup de joueurs ont des "TOCs" liés à cet objet (Nadal demande 2 serviettes, Gasquet souhaite qu'on lui apporte "en boule"...), que doit-on y voir en terme de comportement ? Est-ce de la superstition ? Les joueurs sont-ils poussés par les entraîneurs à avoir ces rituels ? Est ce qu'ils deviennent une habitude au point d'être oubliés par les joueurs eux-mêmes ? Comment expliquer parfois l'attitude de certains joueurs qui s'énervent après un ramasseur qui ne lui apporterait pas sa serviette comme il le souhaiterait ? La performance est-elle affectée par un rituel qui n'a pas pu se dérouler comme prévu ? Peut-on modifier un rituel, voire l'arrêter totalement ? Finalement, ne peut-on pas dire que ces attitudes relèvent plus de la contrainte que du confort ?
Sébastien Magne : Beaucoup de questions...! L’objet qui sert au rituel n’est jamais choisi au hasard (cf. plus loin), mais il serait difficile de dire pourquoi un joueur choisira sa serviette pour mettre en place son rituel plutôt que sa bouteille d’eau par exemple. Le joueur lui-même serait sans doute bien incapable de répondre…

Je ne suis pas sûr que les joueurs pensent à se « cacher » en utilisant leur serviette (sauf éventuellement parfois aux changements de côté en la mettant sur la tête, plutôt dans une recherche de concentration, pour se remettre « dans sa bulle » en se coupant de l’extérieur). Les petites manies qu’ont les joueurs avec leur serviette sont des rituels, qu’on appelle « routines de performance ». Chaque joueur construit sa propre routine, et même si elle n’est pas choisie au hasard, le joueur fait aussi avec ce qu’il a sous la main : pour certains ce sera avec la serviette, pour d’autres ce sera avec le cordage de la raquette, pour d’autres avec les lignes du terrain (beaucoup qui évitent de marcher dessus entre les points, ou toujours Gasquet par exemple qui, très souvent, avant de retourner le service adverse se place en marchant dans le couloir, puis dans le terrain, avant de reculer derrière la ligne [il remplace parfois ce rituel en touchant le terrain dans ces différentes zones avec le bout de sa raquette]). Pour le grand public ces actions peuvent paraître ridicules, dénouées de sens, et faire penser à des superstitions.

  • La superstition désigne une croyance à des influences surnaturelles qui sont lisibles dans les gestes anodins de la vie quotidienne. Il y a donc une part de « magie » : les sportifs vont juger que leurs actions de tous les jours ont la puissance de contrôler la chance ou tout autre facteur extérieur à la performance. L’effet supposé de l’action effectuée sur la performance finale échappe à toute rationalité. Par exemple, penser en se rendant en voiture à son match « je maintiens ma vitesse à 50 km/h, si le prochain feu tricolore est vert quand j’arrive à son niveau, c’est que je vais faire un bon match ».
  • Le rituel, ou routine de performance, est une sorte de coutume immuable qui est apprise et utilisée intentionnellement pour faciliter la performance. Le sportif contrôle le rituel, alors qu’il a plutôt tendance à subir la superstition. La routine de performance a un lien direct avec l’activité sportive, et a un sens pour l’athlète, car elle lui sert à maîtriser l’environnement.

La frontière est néanmoins très fine entre les deux, et il est parfois difficile de les « ranger » dans l’une ou l’autre des catégories. Tous les sportifs ont des rituels, et quasiment tous ont des superstitions, mais leur nombre varie selon les individus. Les joueurs de tennis ont donc des superstitions comme les autres sportifs. Des études ont montré que le degré de superstition des sportifs augmente avec le niveau de jeu (d’une manière générale, un joueur pro sera donc plus superstitieux qu’un joueur amateur). Par contre il a tendance à diminuer ensuite avec l’âge.

Le rituel et la superstition vont avoir plusieurs effets bénéfiques :

  • Rassurer le sportif en lui donnant le sentiment de contrôler une situation incontrôlable,
  • Se fixer dans un espace connu et sécurisé, et donc réduire l’incertitude qui est à la base du stress et de l’anxiété (le stress apparaissant lorsqu’on ne contrôle pas la situation, répéter toujours les mêmes gestes va permettre de le réduire en ayant le sentiment de contrôler tout ce qui dépend de nous-mêmes, réduisant ainsi l’apparition de situations anxieuses),
  • Renforcer la confiance en soi,
  • Atteindre une concentration optimale en éliminant les distractions

Malgré ces effets bénéfiques, il faut faire attention à l’accumulation de petites manies qui pourraient à force tourner à l’obsession et s’apparenter à des Troubles Obsessionnels Compulsifs (TOC) : lorsque le sportif perd le contrôle de ses petites habitudes et qu’il ne peut plus s’en passer, elles finissent par être nocives et l’handicaper dans la performance.

Les rituels peuvent être personnels (mettre ses vêtements toujours dans le même ordre, faire un nombre bien précis de services de chaque côté lors de l’échauffement…), ou collectifs dans le cas de compétitions par équipe (avoir une place bien définie dans le vestiaire, amener une « mascotte » sur les matchs…). Concernant les rituels collectifs, l’individu reprend généralement ceux existant déjà à l’intérieur du groupe. Ils peuvent même parfois être directement transmis par les entraîneurs dès le plus jeune âge (« bois au changement de côté », « commence l’échauffement en jouant dans les carrés de service »…ces comportements ne sont pas forcément considérés comme des rituels, pourtant il s’agit bien de coutumes immuables apprises). En revanche, chacun construit ensuite ses propres superstitions et rituels personnels, qui relèvent généralement d’une symbolique affective : l’objet ou le nombre fétiche a une histoire ou une origine bien particulière et, malgré les apparences, n’est jamais choisi au hasard…

La construction de la superstition peut s’expliquer facilement par ce que les anthropologues ayant étudié la « pensée magique » appellent la loi de similitude : « un effet est similaire à sa cause ». Par exemple, si un joueur remarque que dans le vestiaire il avait mis son short avant son maillot lors des deux derniers matchs qu’il a gagnés, il peut construire la superstition que procéder de cette façon lui permet de gagner : le superstitieux interprète un événement produit par le hasard pour guider ses choix. Consciemment ou non, le sportif se focalise sur certains événements qui ont pu se produire lorsqu’il a eu de la chance ou de la malchance, pour tenter de les reproduire ou de les éviter. Une fois que la superstition est installée, elle ne sera que rarement remise en cause si elle n’a pas fonctionné (= le joueur a mis son short avant son maillot mais n’a pas gagné), mais elle sera en revanche renforcée en cas de succès.

La routine est tellement apprise qu’elle devient peu à peu totalement automatique. Le sportif peut alors ne plus avoir conscience de l’effectuer dans une recherche de performance (maintien de la concentration, diminution du stress…). Du coup il aura souvent tendance à la maintenir (plutôt par habitude), mais à développer en parallèle une nouvelle routine consciente. C’est l’accumulation qui peut devenir dangereuse et se rapprocher des TOC, le joueur étant débordé par toutes ces routines à mettre en place et donc ne plus avoir le contrôle sur elles. Si la performance est affectée par l’impossibilité de mettre en place un des rituels c’est que le sportif est dépassé par eux : malgré ses effets bénéfiques, le joueur doit être persuadé que ce sont ses capacités techniques / tactiques / physiques / mentales qui feront le résultat plutôt que le fait que le ramasseur ait amené la serviette « en boule »…surtout qu’il a généralement d’autres rituels pour « compenser » l’impossibilité d’en effectuer un.

Concernant le règlement, les rituels doivent forcément le respecter. Si on a le droit à 25 secondes entre deux points, il n’est pas possible d’avoir un rituel de 45 secondes ! Le joueur fera donc peu à peu ses modifications pour que son rituel puisse être effectué dans le respect des règles. De toute façon le rituel est rarement totalement figé, il subit régulièrement des mini-modifications (aussi pour éviter qu’il devienne justement tellement automatique qu’on n’y prête plus attention), au point parfois de ne plus du tout ressembler à ce qu’il était 10 ans auparavant.

La routine est forcément une contrainte, quelque chose dont on ne parvient pas à se passer. Demander sa serviette après une double faute de l’adversaire sur un match au mois de janvier par 5 degrés n’est pas un besoin, c’est une habitude...

 


 

Article écrit en juin 2017 pour le site de football prepa-physique.net, publié sur le site, consacré aux conseils pour gérer un conflit dans une équipe sportive. Entretien complet ci-dessous.

 

L'article "Gestion des conflits au football" est également disponible sur le site : https://www.prepa-physique.net/gestion-conflit-football/

Prepa-Physique : Pourriez-vous nous donner quelques conseils pour bien gérer un conflit qui apparaitrait dans un club ou équipe sportive ?
Sébastien Magne :
Comme dans les autres groupes sociaux, le conflit fait partie intégrante d’un club sportif. Heureusement, il n’est pas nécessairement important au point de ternir l’ambiance dans l’équipe, il s’agit le plus souvent d’un malentendu ou d’une « légère embrouille » qui n’impacte pas le groupe. Quelquefois pourtant, le conflit peut être destructeur, et si personne ne tente de le régler rapidement, il peut se propager très vite aux autres joueurs (ou staff ou dirigeants)…

Une erreur souvent commise pour tenter de résoudre un conflit, est d’infliger une sanction sans réelle discussion. Le joueur n’aura pas le choix que d’encaisser la sanction, mais ne sera pas d’accord avec. Il va donc rester sur ses positions et augmenter sa rancœur ou sa haine envers son « adversaire », ce qui ne résoudra en rien le conflit. Attention, lorsque le conflit tourne au règlement de compte (insultes, bagarres, intimidations, pression psychologique…), des sanctions doivent évidemment être prises. Mais surtout pour que le sportif comprenne qu’il est allé trop loin et a eu un comportement inacceptable, pas pour gérer le fond du conflit en tant que tel… Les « attaques », qu’elles soient verbales ou physiques, sont à proscrire ! Elles menacent les relations interpersonnelles, ne sont pas constructives, et servent uniquement à gonfler son ego en tentant de détruire l’ego de celui qui devient son « adversaire » : elles risquent de mener à un point de non-retour qui rend alors impossible la résolution du conflit.

Pour régler un conflit dans une équipe sportive, on utilisera les méthodes de résolution de conflits mises en place dans les entreprises. Le point primordial est la communication (et l’écoute, indispensable pour une bonne communication !). Sans communication, les deux parties restent sur leurs positions, vont chercher des soutiens (c’est notamment pour cela que le conflit se propage), et rien ne peut donc se régler. Chercher à éviter le conflit n’est pas une bonne solution : il est normal qu’il apparaisse de temps en temps, mais si on ne veut pas accepter qu’il puisse exister, on n’encourage pas son expression et donc sa résolution (au contraire !). Il est préférable de repérer une situation conflictuelle le plus tôt possible, pour la transformer en une discussion constructive, qui débouche sur des solutions ou au moins des compromis.

Il faut aussi essayer de rester centré sur les faits sans trop entrer dans l’émotion. On se rend souvent compte que les conflits naissent d’une incompréhension (par exemple une petite phrase qui va être prise pour une attaque personnelle alors que c’était juste une maladresse qui n’avait pas pour but de blesser) ou d’une grande différence dans les traits de personnalité des deux individus en conflit (la personnalité d’un individu va le pousser à agir d’une certaine manière qui peut être totalement opposée à la façon de faire d’un autre individu qui a une personnalité différente ; cela ne signifie pas qu’une façon de faire est meilleure que l’autre !).

Faire intervenir un « médiateur », c’est-à-dire une personne extérieure au conflit, qui n’aura pas d’intérêt à pencher spécifiquement pour l’un ou l’autre des protagonistes, est souvent bien utile. Ce médiateur aura pour rôle d’aider les deux individus (ou groupes) en conflit à changer d’état d’esprit : accepter les critiques, prendre du recul pour ne pas trop faire intervenir les émotions qui feraient perdre en objectivité, comprendre le point de vue de l’autre, ne pas se borner, chercher une solution commune qui puisse satisfaire les deux parties. Le médiateur se doit d’être juste et de garantir l’équité. Ainsi, les deux protagonistes du conflit doivent être sur un pied d’égalité, sans que l’un ait un rôle plus important que l’autre, même s’il s’agit de l’entraîneur ou du président du club ! C’est toujours plus difficile dans ces cas-là, car un joueur aura forcément plus à perdre dans le conflit qu’un entraîneur ou un président de club, mais un entraîneur ou un président confronté à un conflit avec un de ses joueurs doit avoir l’intelligence de ne pas se mettre en position de force, plutôt d’écouter les revendications, les comprendre, pour éventuellement trouver une solution. Si un joueur sent qu’il parle dans le vide ou qu’il est pris de haut, le conflit aura tendance à se renforcer…

Ces quelques recommandations peuvent permettre de transformer un conflit potentiellement destructeur en un apaisement bénéfique et constructeur…

 


 

Interview réalisée en janvier 2017 par Tennis Magazine pour un article publié dans la version papier du journal, consacré à l'attitude à adopter face à un adversaire "qui triche". Entretien complet ci-dessous.

 

Des citations de cet entretien sont reprises dans l'article "Technique : Comment battre un tricheur ?" du Tennis Magazine N°483 (février-mars 2017)

Tennis Magazine : Mon adversaire vient de me voler un point, j'en suis persuadé, comment réagir ?
Sébastien Magne : Ce n’est jamais une situation facile à gérer… Tout d’abord, malgré toute la persuasion que l’on peut avoir, il vaut mieux partir du principe que l’on fait confiance à l’adversaire, se dire que l’on se trompe peut-être, et donc ne pas être persuadé que l’on a mieux vu que l’autre. Il faut aussi accepter que l’adversaire peut se tromper en toute bonne foi, et donc ne pas le cataloguer directement comme un « tricheur », ce qui compromettrait l’ambiance de la suite du match. Lors du premier « doute » il vaut mieux laisser passer en se disant que c’est peut-être moi qui me trompe. Si ça se reproduit, dire à l’adversaire « je pense que tu te trompes » sans entrer dans l’agressivité, en espérant qu’il accepte de remettre deux balles. Etre agressif est totalement contre-productif : on s’énerve (ce qui peut donc diminuer la performance), si l’adversaire est persuadé d’avoir raison lui-aussi on entre alors dans une guéguerre d’intox souvent bien puérile, et on perd tout plaisir à jouer alors que ça devrait rester la priorité en amateurs (même en compétition !). Enfin, si la situation se reproduit trop souvent, mieux vaut aller prévenir le juge-arbitre que l’on n’est pas d’accord avec les annonces de son adversaire…

Est-ce qu'il faut chercher la confrontation ? Entrer dans son jeu en trichant à son tour ? Surtout pas ! Cf. la réponse précédente. Encore une fois, il vaut mieux éviter de cataloguer son adversaire, ne pas se dire qu’il triche mais qu’il est certainement sûr (peut-être à tort) de son annonce. Quel plaisir à tricher à son tour ? Imaginez que vous décidiez de tricher également, et qu’un spectateur qui passe devant le terrain à ce moment-là le voit : si jamais les choses s’enveniment et que vous faîtes appel au juge-arbitre, ce spectateur l’aura peut-être déjà prévenu de vos agissements ! Du coup c’est vous qui allez passer pour le tricheur… Votre réputation peut en prendre un coup, même en amateurs les joueurs qui font beaucoup de tournois finissent par se connaître et parlent beaucoup entre eux !

Techniques de respiration, de concentration, pour oublier l'incident et repartir dans sa routine ? Evidemment il ne faut pas que cet incident ait un trop gros impact sur notre performance pour la suite du match. Il est déjà essentiel de relativiser l’importance du point : bien-sûr c’est plus compliqué à faire dans le tie-break du troisième set ! Mais si ça arrive au deuxième jeu du match, est-il vraiment utile de s’énerver tout de suite ? Généralement ce n’est pas un point ou deux au cours du match qui en changent la physionomie… Admettre que l’on peut se tromper (aussi bien soi-même que l’adversaire) est déjà un grand pas pour que l’incident ne vienne pas nous perturber trop longtemps. Ensuite bien-sûr qu’il est important de ne pas sortir de sa routine habituelle, on continue à agir (et à jouer) de la même façon qu’avant l’incident. Si l’on sent que l’on est énervé, accentuer ses respirations abdominales, prendre le temps de faire de grandes respirations, et allonger le temps d’expiration, vont permettre de faire baisser le rythme cardiaque. Les tensions peuvent aussi devenir musculaires, on va alors chercher (notamment lors des changements de côté) à relâcher ses muscles (aidé là-aussi par la respiration). Pour maintenir la concentration, se focaliser sur sa respiration est un bon moyen de rester centré sur le présent, et donc de ne pas ressasser les événements passés ni se projeter dans le futur. Il est essentiel d’apprendre à identifier les éléments pertinents sur lesquels il faut porter son attention ; à coup sûr la triche éventuelle de l’adversaire n’en est pas un !

Pourquoi est-ce que c'est si déstabilisant de faire face à la triche ? Parce que l’on est contrarié, bousculé face à nos certitudes… ? Parce qu’on a un esprit de compétition et que l’ego en prend un coup si on a le sentiment de se « faire avoir » ? Parce qu’on ne se fait plus plaisir alors que l’on joue pour ça ? Parce qu’on a été éduqué en nous disant qu’il fallait respecter les règles et que l’adversaire ne le fait pas ? Je pense qu’il peut y avoir plein d’explications, qui vont donc être très différentes d’un joueur à un autre.

Qu'est ce qui pousse quelqu'un à tricher ? En partant du principe que la triche est réelle et volontaire, il peut y avoir plusieurs explications. D’abord un esprit de compétition poussé à l’extrême, une peur de perdre, avec une fixation d’objectifs qui n’est pas la bonne : quelle que soit la manière d’y arriver, le seul objectif est de gagner, on considère que c’est un mauvais objectif puisque forcément tributaire de la performance de l’adversaire ; il est plutôt recommandé de se fixer des objectifs liés à soi (un pourcentage de premiers services, un ratio points gagnants/fautes directes, mettre en place pendant le match la tactique que l’on avait prévue…). Ca peut aussi être un joueur excessivement stressé, qui veut tellement voir les balles fautes qu’il en devient persuadé, le stress réduisant le champ visuel et l’attention. Enfin, ça peut être la conséquence d’une forte pression extérieure, comme c’est malheureusement trop souvent le cas chez les jeunes joueurs : tous les moyens sont alors bons pour « satisfaire » l’entourage qui met la pression (souvent les parents ou entraîneurs), pression sur les résultats et sur le classement qui va en découler… Dans de plus rares cas, la triche peut aussi être le résultat d’un manque de confiance en soi : pour essayer de maintenir sa confiance, on va se rassurer avec des victoires, et impressionner l’entourage ; c’est en quelque sorte un mécanisme de défense, mais on risque de perdre encore davantage confiance en soi le jour où l’on réalisera qu’on a voulu la maintenir en allant à l’encontre de ses valeurs…

On sait qu'on joue contre un tricheur, comment on peut se préparer ? Déjà en prévenant le juge-arbitre que l’adversaire est « connu » et que l’on espère qu’il n’y aura pas de problèmes pendant le match… Ensuite, commencer la rencontre normalement, sans se mettre en tête que l’autre va forcément nous voler des points, et sans remettre d’emblée en cause toutes les annonces qu’il va faire. Avant le match, la visualisation peut être une bonne technique : imaginer dans sa tête le déroulement de la rencontre, y intégrer des erreurs d’arbitrage et la façon de les gérer, afin de se préparer au maximum pour bien réagir au moment où ça se produira. Le but est aussi de limiter le stress, les tensions et l’énervement le jour J.

Certains joueurs mettent en permanence la pression sur l'arbitre et sur l'adversaire en l'intimidant, comment rester hermétique à ces déstabilisations ? Le plus simple (même si ce n’est pas toujours facile pour autant !) est de ne pas rentrer dans le jeu. Laisser parler l’adversaire, ne pas lui répondre, savoir que l’arbitre est habitué de ce type de comportements et ne se laissera pas embobiner, et surtout se répéter « je suis plus fort que lui, c’est bien pour ça qu’il essaye de me déstabiliser, s’il avait les armes pour me battre il n’aurait pas besoin de faire ça ». Enfin, là encore rester concentré sur sa respiration, sur ses routines, sur le moment présent.

 


 

Interview réalisée en avril 2017 par le journal 20minutes pour un article publié dans la version papier (?) et en ligne du journal le 12 avril 2017, consacré au peu de temps laissé aux joueurs de football de Dortmund pour disputer leur match suite à l'attaque de leur bus.

 

Quelques citations de cet entretien sont reprises dans l'article "Dortmund-Monaco : Rejouer 24 heures seulement après l'explosion, c'est trop tôt ?" du journal 20minutes du 12/04/17 : https://www.20minutes.fr/sport/2048583-20170412-dortmund-monaco-rejouer-24-heures-seulement-apres-explosion-trop-tot

 


 

Interview réalisée en août 2015 par le blog de tennis "Lignes de fond" pour un article publié sur leur site, consacré à l'attitude de Nick Kyrgios suite à ses propos déplacés envers Wawrinka. Entretien complet ci-dessous.

 

Lignes de fond : L'attitude de Nick Kyrgios nous amène à nous demander comment dépasser sa frustration ?
Sébastien Magne : (réponse générale sans forcément entrer dans le cas Kyrgios, je ne sais pas s’il s’agit vraiment de frustration dans son épisode avec Wawrinka…).
Tous les sportifs ont déjà été confrontés à de la frustration, le meilleur exemple étant celui d’avoir l’impression de ne pas aussi bien « performer » que d’ordinaire. Mais un « grand » sportif doit savoir gérer cette frustration et ses conséquences : agacement, colère, perte de concentration, manque d’attention, chute de la motivation… Le travail sur la gestion des émotions est donc essentiel pour un joueur qui se frustre trop facilement. Cela va passer par de la relaxation, du contrôle respiratoire, du dialogue interne (comment analyser ou interpréter différemment les stimuli qui m’ont amené à cet état ? + diminuer les pensées négatives). Surtout, il va s’agir de se centrer uniquement sur l’action, et de se construire un référentiel émotionnel : identifier quelles sont les émotions pertinentes à une bonne performance et savoir les ancrer pour les rappeler le moment venu.

Comment garder du caractère sans rester désagréable et insultant sur le court ?

Avoir du caractère n’est pas forcément négatif, encore moins pour un sportif de haut niveau, et n’est donc pas forcément synonyme d’insultant ou de désagréable. Si on prend les meilleurs joueurs mondiaux (Djokovic, Federer, Nadal par exemple), je pense qu’on peut dire que les 3 ont du caractère, ils ne se laisseront pas marcher sur les pieds, se battront sur tous les points même dans un jour un peu moins bon… Mais ils ne manqueront pas de respect à leurs adversaires ! La différence avec Kyrgios est là, entre avoir du caractère « positif » et avoir du caractère « négatif ».

Ca va même plus loin, car même parmi les caractères que l’on pourrait qualifier de négatifs, il y a de nombreuses variantes : des joueurs comme Paire et Fognini s’énervent beaucoup, font un peu le show, mais ne vont pas forcément s’en prendre directement à leurs adversaires en plein match ; un peu pareil avant avec McEnroe qui avait surtout tendance à s’en prendre aux arbitres plutôt qu’aux adversaires (puis c’était surtout devenu une marque de fabrique qu’il se devait d’entretenir…) ; là l’attitude de Kyrgios face à Wawrinka n’est pas saine, ne ressort absolument rien de positif et n’a pas d’excuse. Il manque de respect aussi bien à Wawrinka qu’à Vekic, et même à Kokkinakis qui est pourtant son ami.

 

Faut-il se créer une bulle ?  A l'inverse, peut-on se modérer tout en restant excentrique ou joyeux ?

Il n’y a pas vraiment de règle, tout dépend de la personnalité du sportif. Effectivement un sportif qui a des difficultés à contrôler ses émotions, on aura plutôt tendance à l’inciter à se construire une bulle. Mais d’autres ont au contraire besoin de « s’évader » un peu pour maintenir leur concentration et être performant.

 

L'arrogance ou l'orgueil sont-ils nécessaires au plus haut niveau ?

L’orgueil sans aucun doute. Si on le définit dans le sens de fierté, c’est ce qui fait bien souvent rebondir un sportif suite à un échec inattendu ou une mauvaise performance du moins. Si l’on définit l’orgueil par le fait d’être persuadé de sa propre excellence, le lien avec la confiance en soi est évident, et donc essentiel dans la bonne performance.

L’arrogance par contre induit du mépris et de l’insolence, je ne vois pas en quoi elle serait alors nécessaire au plus haut niveau, du moins au tennis. C’est peut-être un peu moins vrai pour des sports comme la boxe à haut niveau par exemple, où il est d’usage avant le combat d’être arrogant ou méprisant envers son adversaire (mais même là il s’agit presque d’une coutume de faire le show plutôt que d’une réelle arrogance…).

 

Comme les joueurs du circuit vont l'ignorer quelques temps (Nadal a par exemple refusé de jouer avec lui en exhibition), comment Kyrgios peut-il sortir plus fort de cette épreuve ?

En admettant qu’il a fait une erreur et en ne recommençant pas ! Et donc en travaillant sur ses émotions comme évoqué plus haut. Je crois qu’il a commencé à reconnaître qu’il a fait une erreur. Il est très difficile pour un joueur d’être performant s’il est exclu par l’ensemble de ses « collègues » en plus d’avoir une mauvaise image auprès du public. S’il apprend que faire du mal autour de lui le desservira davantage que ça ne l’avantagera, et qu’il parvient à changer son caractère « négatif » en caractère sain « positif » (comme expliqué plus haut, donc sans s’en prendre à l’extérieur), il aura fait un grand pas ! Mais comme il semble avoir une forte personnalité et confiance en soi, et garde néanmoins quelques soutiens, il pourrait continuer dans sa voie actuelle encore longtemps...mais elle limite sans doute ses performances possibles...

 

Kyrgios étant coaché par sa mère, qui a défendu son fils, sans le critiquer, après ses propos insultants à l'encontre de Wawrinka, comment peut-il rester proche d'elle sans suivre son aveuglement ? Bref, doit-il prendre son indépendance ?

S’il admet son erreur, c’est à lui de l’expliquer à sa mère et de lui exprimer comment il souhaite évoluer, et à elle de l’accepter. Difficile de dire s’il doit prendre son indépendance ou non, en tout cas s’il doit la prendre je pense que ce n’est pas en lien avec l’affaire l’opposant à Wawrinka. Les relations parent-enfant lorsque le parent est l’entraîneur sont souvent difficiles mais il n’y a pas de règle immuable. Des joueuses comme Bartoli ou les sœurs Williams seraient-elles arrivées à ce niveau si elles avaient été entraînées par d’autres personnes que leur père ?

 


 

Interview réalisée en août 2016 par le journal 20minutes pour un article publié dans la version papier du journal le mercredi 7 septembre 2016, consacré aux conseils pour maintenir la motivation quand on commence le sport à la rentrée. Entretien complet ci-dessous.

 

Des citations de cet entretien sont reprises dans l'article "Un mental et un physique solides" du journal 20minutes du 7/09/16 : http://www.pressreader.com/france/20-minutes/20160907/281702614158855

20minutes : Quels conseils pourriez-vous donner pour ne pas perdre sa motivation quand on s'abonne à une salle de sport ?
Sébastien Magne : Je pense que le meilleur conseil à donner pour ne pas perdre sa motivation quand on s'inscrit dans une salle de sport est de commencer doucement... S'obliger à aller à la salle tous les jours n'est pas une bonne idée, on va tenir un ou deux mois au mieux, puis on trouvera toutes les bonnes excuses pour "ne pas pouvoir y aller aujourd'hui", puis on ira de moins en moins jusqu'à ne plus y mettre les pieds. Il vaut mieux le faire dans le sens inverse : y aller une ou deux fois dans la semaine pour commencer, puis éventuellement augmenter la cadence petit à petit si on en a envie. Il vaut egalement mieux se dire "j'y vais deux fois dans la semaine" plutot que "j'y vais le lundi et le jeudi", ça laisse plus de liberté dans l'organisation de son emploi du temps, et si on est crevé le jeudi on se laisse la possibilité d'y aller le vendredi (si la motivation est vraiment très faible, le risque est par contre de sans cesse repousser au lendemain et du coup de ne pas faire sa ou ses séances de la semaine...) ! Pareil sur la durée des séances, augmenter progressivement, sans faire une trop grosse charge au depart ! Les jours où on devait y aller et que finalement on "n'a pas trop envie de faire du sport", il faudrait se forcer à au moins se rendre jusqu'à la salle meme si on ne pratique pas, ça peut parfois suffire à se faire une petite séance (pas forcément intensive, mais peut-être suffisante pour dégager le stress de la journee !). Parler de son intention de faire du sport autour de soi est aussi une bonne idée : ca peut motiver d'autres personnes de son entourage, ou au moins ça peut permettre de se faire encourager pour poursuivre.

Quand on s'inscrit dans une salle, c'est généralement plus motivant de le faire avec un ou une amie. Même si petit à petit les deux n'y vont plus ensemble, au depart c'est plus motivant d'aller retrouver un(e) ami(e), et aussi pour certains plus facile pour la socialisation. Ça permet aussi de se lancer des défis entre amis, certaines personnes marchent au défi ! En fonction de ses objectifs, avoir un coach peut aussi permettre de maintenir la motivation. Certaines applications sur smartphone peuvent aussi aider si le recours à un coach n'est pas possible ou est trop onéreux. Il est important de varier les exercices, faire toujours la même chose est forcément démotivant...
 
Au niveau organisation, il est souvent préférable de choisir une salle proche de son lieu de travail, car si la salle est proche du domicile il est plus facile de céder à la tentation de "repasser par la maison avant d'aller à la salle", et finalement de ne pas sortir de chez soi ! On a aussi le droit de se récompenser en se faisant soi-même un cadeau si ses objectifs sont atteints, se faire plaisir (s'acheter un vêtement dont on a envie, se payer une sortie théâtre ou concert, un bijou...) ! Se faire plaisir passe aussi par le choix de la tenue : c'est pas mal d'avoir une "belle" tenue pour démarrer le sport, c'est plus motivant que de ressortir son vieux jogging molletonné troué qui traîne dans l'armoire depuis 15 ans :) C'est aussi une bonne idée de garder des traces de ses progrès pour maintenir la motivation : soit un carnet de bord où on va noter ce qu'on était "capable" de faire au début et qu'on va mettre à jour régulièrement avec l'atteinte des objectifs qui s'enchaine et la définition de nouveaux objectifs, soit se prendre en photo pour faire une sorte de avant/après...
 
Enfin, il est important de savoir pourquoi on souhaite s'inscrire dans une salle de sport : est ce pour se muscler ? Pour perdre du poids ? Pour s'entretenir ? ... Et s'informer de la réalité du travail pour les résultats escomptés : si on s'inscrit uniquement avec pour objectif de perdre du poids, la déception risque d'être grande en voyant peu de changements sur la balance, et donc la motivation chute forcément...! Il ne faut pas être obsédé par les chiffres, et il est important de se fixer des objectifs à court, moyen et long termes, la difficulté des objectifs devant etre bien équilibrée : assez difficiles pour constituer un défi, mais pas trop difficiles non plus pour espérer être atteints.

 


 

Interview réalisée en avril 2015 par le magazine en ligne Say Yess pour un article consacré aux bienfaits du sport, notamment dans un programme de réinsertion sociale ou professionnelle. Entretien complet ci-dessous.

 

Des citations de cet entretien sont reprises dans l'article "Pourquoi le sport fait du bien (et pas qu'à notre corps)" du magazine : http://www.say-yess.com/2015/8154/pourquoi-le-sport-fait-du-bien-et-pas-qua-notre-corps/

Say Yess : On recommande souvent de faire du sport pour garder la forme, pourquoi est-il aussi bon pour le moral? Pourquoi le sport fait-il aussi travailler le mental (confiance en soi, patience, dépassement de soi...) ?
Sébastien Magne : Le sport (et plus spécifiquement la course à pieds ou le cardio fractionné) peut jouer un rôle d’antidépresseur grâce à la sécrétion d’endorphine (« hormone du bonheur ») pendant l’effort. Il nous permet de mieux respirer, d’avoir une meilleure oxygénation du cerveau, d’avoir les « idées claires ». Dans des cas de dépression par exemple, l’individu n’a généralement envie de rien faire. Le sport peut être très bénéfique en s’obligeant à bouger régulièrement, presque comme un rituel quotidien. Cela occupe la journée et permet au moins un instant où on oublie ses problèmes et où on s’active. Bien-sûr les problèmes sont toujours présents donc le sport seul ne peut pas se substituer à un suivi thérapeutique, mais il permet d’affronter les problèmes avec plus de lucidité, en étant plus « zen ». Cela permet également de prendre conscience de son corps, peut-être de faire des choses qu’on ne pensait pas être capables de faire, donc d’augmenter la confiance en soi, et tout simplement se sentir bien dans son corps. Il n’est plus à prouver que se sentir bien dans son corps est essentiel pour se sentir bien dans sa tête !

Physiquement, le sport permet de transformer son corps et de vider son trop-plein d'énergie. Retrouve-t-on ces deux aspects du sport sur le plan mental (transformer son psychique et faire le vide dans sa tête) ?
Il permet beaucoup d’autres choses aussi ! « Vider son trop-plein d’énergie » c’est vrai mais ça peut aussi être l’inverse, comme dans l’exemple précédent de la dépression où il s’agit plutôt de retrouver de l’énergie. Je pense qu’on retombe sur la réponse précédente : ça permet de faire le vide et d’être plus conscient de la réalité, mais ça ne règle pas tout non plus, ça fait du bien mais ça ne guérit pas.

Quelle est la fréquence recommandée pour constater ces effets ?
Difficile de répondre avec précision, cela dépend de chacun. Il faut que l’activité reste assez régulière, donc une fois par semaine semble un minimum, avec une activité d’au moins 30 minutes à chaque fois (pour permettre la libération d’endorphines). Mais généralement on se prend au jeu, donc on a tendance à augmenter sa « dose ». On dit souvent que le sport est une drogue ! Attention à ne pas non plus tomber dans l’excès, car là il ne permettrait plus de se sentir mieux…

Dans un programme de réinsertion sociale ou professionnelle, quel cadre et quelles valeurs peuvent apporter la pratique d'un sport ? Par sa dimension collective, le sport est-il un vecteur d'intégration qui va donner à chacun un rôle à jouer ?
Rigueur, contrôle de soi, loyauté (fair-play), respect, persévérance, combativité, dépassement de soi, cohésion, effort, joie...

Y a -t-il des sports plus adaptés à ce type de programme ?
Pour la réinsertion sociale, forcément les sports collectifs semblent plus efficaces… Et encore plus des sports qui vont demander de l’entraide et de la communication (escalade ou aviron par exemple). Mais d’une manière générale, je ne pense pas qu’il y ait de « mauvais sports » pour un programme de réinsertion, même des sports individuels peuvent être bénéfiques. L’essentiel est que l’individu trouve le sport qui lui plaise et lui corresponde, tant que possible un sport qui le fait « bouger », et bien-sûr celui qu’il est en capacité physique de pratiquer.

Dans ce cadre-là, la compétition est-elle positive ou négative ?
On a tendance à voir la compétition d’un œil assez négatif, mais elle peut aussi être bénéfique pour une réinsertion. Malheureusement nous vivons dans un monde où la compétition est très présente (dès l’école !), et surtout professionnellement. La compétition sportive peut nous réhabituer à la compétition quotidienne. Cependant, il faut garder en tête les valeurs du sport et les valeurs humaines : l’important n’est pas de gagner mais de participer ! La compétition va aussi permettre d’apprendre à gérer le stress, l’anxiété, l’angoisse… Et puis la compétition permet aussi de rencontrer de nouvelles personnes et donc de faire un pas supplémentaire dans la réinsertion…

 


 

Entretien réalisé en février 2015 par Nicolas Azonov, pour un article sur son blog "Chemin faisant" consacré à la notion de "talent" dans le sport. Entretien complet ci-dessous.

 

Des citations de cet entretien sont reprises dans l'article "Vous avez dit talent ?" publié sur le blog de Nicolas Azonov : https://nicolasazonov.wordpress.com/

Nicolas Azonov : Que peux-tu nous dire de la notion de "talent", en particulier dans le sport ? Est-il inné ?
Sébastien Magne :
D’une manière générale, on a tendance à comprendre par la notion de « talent », le fait d’avoir des dispositions naturelles exceptionnelles pour une activité, une sorte de don inné. Pourtant, c’est un petit peu plus compliqué que ça… ! Le talent inné seul est inutile, il sera totalement dépassé face à un sportif peut-être moins talentueux au départ mais qui travaillera pour progresser. C’est donc une aptitude particulière pour une activité, peut-être prédictive de la réussite, mais certainement pas suffisante.
En ce sens, la notion d’innée que peut bien souvent mettre le « grand public » derrière celle de talent est quelque peu galvaudée. Le talent doit être travaillé pour se développer et en faire une réelle force. La notion de plaisir peut également favoriser l’expression du talent. Le rôle de l’entraîneur est de protéger ce don, de faire en sorte que le sportif continue à prendre plaisir. On peut s’interroger sur la pertinence des structures d’entraînement qui ont tendance à vouloir entraîner tous les joueurs de manière uniforme. En effet, le talent est personnel et doit être développé, donc l’entraîneur doit être dans l’obligation de s’adapter à son joueur (et non l’inverse !). Cela ne veut pas dire que des modifications ne peuvent pas être apportées, mais qu’il faut prendre en compte la spécificité du joueur. Si on prend l’exemple de Fabrice Santoro, il n’aurait certainement pas eu la même carrière si ses entraîneurs avaient voulu le faire jouer à une seule main en frappant au fond du court ! C’est sa différence « talentueuse » qui a fait sa force et lui a permis d’atteindre le haut niveau : il partait avec une aptitude particulière « innée » (ou du moins qui lui correspondait, puisqu’il était naturel pour lui de jouer ainsi) qui a pu se transformer par le travail en talent « acquis ».

Cette transformation, cette émergence du talent, se fait en 4 phases (d’après Blanc / Moix / Maurice) :

  • Une phase d’exploration : on teste plusieurs activités pour voir laquelle nous correspond ou nous réussit.
  • Une phase d’apprentissage : les potentialités sont transformées en savoir-faire, tout en intégrant les différentes contraintes liées à l’activité (contraintes techniques par exemple).
  • Une phase d’éclosion : c’est la phase d’émergence du talent, durant laquelle les compétences commencent à être consolidées grâce à l’apprentissage de la phase précédente.
  • Une phase de consolidation : le savoir-faire est désormais bien ancré, il n’y a plus besoin de réfléchir pour être performant.

Cette dernière phase est assez proche de l’état de flow recherché par les sportifs : il s’agit de pratiquer son sport en « pilote automatique », sans avoir besoin de réfléchir à ses actions, comme dans un jeu vidéo, avec l’impression que rien ne peut nous arriver ! Il est difficile de donner une définition précise de ce que serait un « sportif talentueux ». Les aptitudes particulières d’un sportif peuvent être techniques, tactiques, physiques, mentales… Certains joueurs vont par exemple compenser une faiblesse technique par un mental « talentueux » : état d’esprit qui permet d’être performant, motivation élevée, calme extrême, détachement… Si on considérait que le vrai sportif talentueux est celui qui réunit un don remarquable pour chacune de ces composantes, on conclurait que ce sportif n’existe pas ! Les meilleurs ont une voire deux capacités extraordinaires, qu’ils ont développées en travaillant, et ont également dû beaucoup travailler les autres composantes. Cela pourrait laisser penser qu’il suffirait de travailler dur pour réussir. Notre première réaction serait d’invalider ce postulat. Pourtant, un scientifique (Ericsson) a conclu de ses recherches qu’une pratique délibérée (c’est-à-dire une pratique uniquement dévouée à une tâche) de 10000 heures amènerait un débutant dans n’importe quel domaine à devenir un expert. Il estime que le talent est donc un mot galvaudé. Il insiste sur le fait que la répétition n’est pas suffisante, il faut également avoir un feedback suffisamment précis pour pouvoir analyser ses faiblesses et les travailler. Le joueur « talentueux » à la base n’a donc qu’une petite avance sur ses concurrents…

 


 

Interview réalisée le jeudi 19 février 2015 par Le Parisien, pour un article publié dans l'édition du samedi 21 février, au sujet du but marqué par Edinson Cavani lors du match aller du quart de finale de la Ligue des Champions face à Chelsea (1-1). Entretien complet ci-dessous.

 

Une citation de cet entretien est reprise dans le journal Le Parisien du 21 février, ainsi que sur son site internet : http://www.leparisien.fr/psg-foot-paris-saint-germain/cavani-l-apres-chelsea-21-02-2015-4549905.php

Le Parisien : Quel est l'impact psychologique d'un tel but sur un joueur souvent critiqué pour ses prestations et son manque d'efficacité ?
Sébastien Magne : Saison après saison, Cavani est sous le feu des critiques. Ce qui ne l’a pas empêché de s’en sortir à chaque fois ! On l’a vu il y a deux ans, où il est revenu au meilleur niveau après qu’on lui ait reproché un enchaînement de 8 matchs sans marquer de but. Encore la saison dernière au PSG : il se blesse après un bon début de saison (15 buts en 22 titularisations, 2ème meilleur buteur de L1 derrière Ibrahimovic…) traverse une fatigue mentale (divorce) et physique (allers-retours en Uruguay et enchaînements des matchs) et on lui demande directement à la reprise d’être à son meilleur niveau, ce qui bien-sûr n’a pas été le cas. On ne peut pas bien jouer si on ne se sent pas bien physiquement et mentalement, en étant pollué par des éléments extérieurs. Le public (et les journalistes) a tendance à ne voir que la performance (ou contre-performance !) sur le terrain, sans chercher à en comprendre les raisons. Il ne s’agit pas de trouver des excuses, mais de comprendre un niveau de jeu fluctuant).

Il est donc légitime de se demander si les critiques à l’encontre de Cavani sont vraiment justifiées. Le PSG rencontre davantage de difficultés cette saison que la saison dernière, et Cavani n’en est pas le seul responsable ! Laurent Blanc vient d’ailleurs de lui apporter son soutien et, malgré les critiques récurrentes dont il fait l’objet, il se trouve régulièrement au centre des rumeurs de transferts, intéressant donc d’autres clubs prestigieux… !

Comme souvent, Cavani a répondu aux critiques en étant performant sur le terrain, et comme l’a relevé Thiago Silva « quand on le critique il marque » ! Après avoir été « descendu », maintenant certains annoncent qu’il a effectué cette semaine son meilleur match depuis qu’il est au PSG !

Ce but marqué face à Chelsea peut lui permettre de regagner un peu de confiance en soi et ainsi le libérer. S’il avait fait un mauvais match, il y a de fortes chances qu’il se serait senti sous pression pour le match retour (donc une forte anxiété - l’anxiété consiste à surévaluer les menaces et sous-estimer ses capacités à y faire face - avec pour conséquence une perte de relâchement, donc moins d’automatismes, donc une moins bonne performance, donc une baisse de confiance). Ce but peut lui éviter de tomber dans cette spirale, mais la pression (bien que moindre) reste néanmoins élevée, car il sait bien qu’une mauvaise performance au match retour le mettrait de nouveau sous le feu des critiques, et surtout qu’il n’a pas envie de revivre le même dénouement qu’il y a un an au même stade de la Ligue des Champions… C’est au staff et à l’ensemble de l’équipe de bien préparer cette rencontre qui ne reposera pas uniquement sur les épaules de Cavani ou d’Ibrahimovic !

En résumé : ce but peut augmenter la confiance et diminuer l’anxiété, permettant d’être un peu plus libéré pour le match retour, mais les attentes restent énormes et c’est un travail de toute l’équipe de le soutenir.

Depuis son but contre Chelsea, la presse, les supporteurs ne cessent de dire du bien de lui. En quoi cette cote d'amour retrouvé peut avoir un effet bénéfique sur lui ? Pensez-vous que Cavani soit le genre de joueur qui ait besoin de sentir la confiance des observateurs ? ou au contraire, est-ce que ça lui importe peu ?
Je ne le connais pas personnellement donc c’est difficile de répondre pour lui, mais se sentir soutenu est toujours très bénéfique. Un sportif de haut niveau doit savoir mettre de côté les commentaires des observateurs, ne pas y prêter trop d’attention. C’est surtout le soutien des proches, du staff, et des coéquipiers qui est important pour la confiance et la performance qui en découle. Surtout que l’on sait très bien (et lui aussi !) que la cote d’amour du public peut s’effondrer aussi vite qu’elle ait revenue. Au moins les proches sont là pour le soutenir même dans les moments difficiles, c’est plus stable. Cela étant, autant qu’il profite de ces moments où tout le monde l’encense ! (mais en gardant à l’esprit qu’une mauvaise performance peut faire que tout s’effondre…).

Il s'est montré décisif sur un grand match, il a fait ce que Ibra n'a pas réussi à faire. Cette comparaison en sa faveur par rapport à Ibrahimovic peut-il aussi le booster ?
Oui certainement, mais je ne suis pas sûr que Cavani cherche forcément à montrer qu’il peut être meilleur qu’Ibrahimovic… On pensait au départ que les relations entre les deux joueurs allaient être compliquées (deux grandes stars à gros égo, Ibrahimovic en leader charismatique qui met du coup Cavani un peu dans son ombre, Cavani obligé de laisser sa position favorite sur le terrain à Ibrahimovic…), mais je crois que désormais chacun a trouvé sa place dans l’équipe et place les résultats du PSG avant la volonté de « dépasser » son coéquipier.

 


 

Interview consacrée à la gestion des conflits, réalisée en octobre 2014 pour le journal SoFoot, publiée le 16 octobre 2014 sous forme d'article sur le site du magazine. Entretien complet ci-dessous.

 

Des citations de cet entretien sont reprises dans l'article "De l'art de résoudre les conflits" publié sur le site de So Foot : http://www.sofoot.com/de-l-art-de-resoudre-les-conflits-190444.html

So Foot : Quels sont vos conseils et méthodes pour résoudre un conflit interne, entre deux joueurs, à un club de football ?
Sébastien Magne : Il est difficile de faire des généralités mais, bien souvent, un conflit dans une équipe sportive va être géré de la même façon que dans une entreprise. Le point essentiel pour désamorcer le conflit est la communication (et l’écoute, qui est primordiale dans la communication). Sans communication, les deux parties restent sur leurs positions, vont chercher des soutiens (ce qui va propager le conflit au reste de l’équipe), et rien ne peut donc se régler. Il est tout à fait normal d’avoir des conflits dans une équipe, il ne faut donc pas chercher à les éviter, mais plutôt à les repérer pour les transformer en discussions constructives, qui débouchent sur des solutions (ou des compromis). Les attaques (verbales ou physiques) sont à bannir car elles menacent les relations interpersonnelles : elles ne sont en rien constructives, servent uniquement à gonfler son égo en tentant de détruire l’égo de celui qui devient son « adversaire », et risquent d’amener à un « point de non-retour » qui rend alors impossible la résolution du conflit. Les émotions doivent également être laissées de côté. La plupart du temps, on se rend compte que les conflits naissent d’une incompréhension (par exemple une petite phrase qui va être prise pour une attaque personnelle alors que ce n’est pas forcément le cas) ou bien d’une grande différence dans les traits de personnalité des deux individus en conflit. Faire intervenir une personne extérieure, un « médiateur », est souvent bien utile. Il va aider les deux individus en conflit à changer d’état d’esprit : accepter les critiques, prendre du recul pour ne pas trop faire intervenir les émotions qui feraient perdre en objectivité, comprendre l’autre, ne pas se borner, chercher une solution commune qui puisse satisfaire les deux parties.

Votre approche serait-elle différente si le conflit incluait un entraîneur ou un président ?
Non ! Le « médiateur » se doit d’être juste et de garantir l’équité. Agir différemment reviendrait à considérer que l’entraîneur ou le président a un rôle plus important que le joueur. Les deux protagonistes du conflit ne seraient alors plus sur un pied d’égalité, l’avantage serait donné à celui qui a déjà (sur le terrain) « le pouvoir » sur l’autre. Lorsqu’un conflit oppose un joueur à son entraîneur ou son président de club, ces derniers doivent avoir l’intelligence de ne pas se mettre en position de force, mais d’écouter les revendications, les comprendre, pour éventuellement trouver une solution ou au moins un compromis. Si un joueur sent qu’il « parle dans le vide » ou est « pris de haut », le conflit aura tendance à se renforcer. Cependant, ces cas sont généralement plus compliqués à gérer, le joueur ayant plus à perdre dans le conflit que son entraîneur ou son président…

Les sanctions financières sont-elles efficaces ? Si oui, jusqu'à quel niveau ? Les sanctions sportives sont-elles plus efficaces que les sanctions financières ? Pourquoi ?
Infliger une sanction dans le but de résoudre un conflit revient à mettre un pansement sur une jambe de bois ! Le joueur va encaisser la sanction, mais ne sera pas d’accord avec. Il va donc rester sur ses positions et augmenter sa rancœur ou sa haine envers son « adversaire ». Ca ne résoudra aucunement le conflit. Attention, lorsque le conflit tourne au règlement de compte (insultes, bagarres, pression psychologique…), des sanctions sont évidemment nécessaires. Mais surtout pour que l’individu comprennent qu’il est allé trop loin et a eu un comportement inacceptable, pas pour gérer le fond du conflit en tant que tel...

 


 

Interview réalisée le jeudi 25 septembre 2014 par So Foot Junior, pour un article publié dans le numéro 6 (novembre), au sujet des morsures de Luis Suarez. Entretien complet ci-dessous.

 

Des citations de cet entretien sont reprises dans le numéro 6 de SoFoot Junior, pour le dossier "Suarez a faim".

SoFoot Junior : Nous aimerions avoir l'avis d'un psychologue du sport sur les morsures à répétition de Suarez, ce qu'elles révélaient de sa personnalité, et pourquoi il ne pouvait pas s'empecher de le faire alors que cela aboutit forcément sur une suspension de longue durée. Pourriez-vous me dire quelques mots là-dessus ?
Sébastien Magne : Il ne fait aucun doute que Suarez est un très grand joueur de football. Cependant, il est difficile de lui trouver des excuses pour certains de ses comportements, et notamment les 3 morsures qu’il a déjà infligées à ses adversaires. Je pense que de tels actes doivent être sévèrement punis, ce qui permettrait peut-être à terme d’assainir le football qui souffre malheureusement de sa réputation de violence. En ce sens, j’ai du mal à concevoir la réaction du Président de la FIFA Joseph Blatter, qui estime que la suspension de Suarez est « très sévère »… (mais ce n’est que mon avis… !)

Sans excuser son comportement, on peut néanmoins tenter de l’expliquer. Pour agir ainsi, Suarez semble avoir beaucoup de difficultés avec la gestion de ses émotions. Lors de ses morsures, il semble agir par « pulsion », sans réfléchir, presque instinctivement. C’est sa façon d’extérioriser ses émotions, comme pourrait le faire un enfant, de façon non-canalisée. D’ailleurs ses justifications après coup, lorsqu’il dit avoir juste « perdu l’équilibre », sont incroyables et prêtent à sourire, comme le sont parfois les justifications mensongères mais très inventives des enfants !

Je ne pense pas qu’il y ait vraiment besoin de chercher plus loin : c’est un coup de sang, la tension prend le dessus sur les émotions, et le joueur n’est plus tout à fait lui-même. Je ne connais pas Suarez dans sa vie hors-foot, mais sur le principe c’est à peu près la même chose qu’un individu qui change totalement de comportement dès qu’il rentre dans sa voiture : très calme, une légère incivilité peut le faire sortir de ses gonds (on en connait tous !).

Suarez vit peut-être le football à l’excès, mais c’est sans doute également ce qui fait sa force ! Comme un enfant là-encore, il semble en avoir les bons côtés (une impulsivité et une énergie débordantes) mais aussi les moins bons (l’agressivité et le non-respect des règles sociales).

Malgré ses 27 ans, il doit encore être « cadré » et apprendre à garder son sang-froid, à contrôler ses émotions. Il a présenté ses excuses, il semble prendre conscience des conséquences de son geste sur sa carrière, sur son image (même le jeu vidéo FIFA 15 le suspend jusqu’à octobre !) et sur celle de son équipe. Il dit vouloir « oublier ce match » et avoir vécu un « moment difficile »… Espérons qu’il parvienne effectivement à passer à autre chose et à se faire désormais remarquer uniquement par son talent footballistique.

 


 

Interview réalisée en septembre 2014 par Surface Football Magazine, pour un article publié dans le numéro 32 (octobre-novembre), au sujet des superstitions des sportifs. Entretien complet ci-dessous.

 

Des citations de cet entretien sont reprises dans le numéro 32 de Surface Football Magazine, pour le dossier "Croix de bois, marabouts, slips de bain : la superstition dans le football".

Surface Football Magazine : Pourquoi les footballeurs sont-ils si superstitieux ?
Sébastien Magne : Avant toute chose, il est important de faire la distinction entre les superstitions et les rituels, même si la frontière entre les deux notions n’est pas toujours évidente. La superstition désigne une croyance à des influences surnaturelles qui sont lisibles dans les gestes anodins de la vie quotidienne. Il y a donc une part de « magie » : les sportifs vont juger que leurs actions de tous les jours ont la puissance de contrôler la chance ou tout autre facteur extérieur à la performance. L’effet supposé de l’action effectuée sur la performance finale échappe à toute rationalité. Le rituel, ou routine de performance, est une sorte de coutume immuable qui est apprise et utilisée intentionnellement pour faciliter la performance. Le sportif contrôle le rituel, alors qu’il a plutôt tendance à subir la superstition. La routine de performance a un lien direct avec l’activité sportive, et a un sens pour l’athlète, car elle lui sert à maîtriser l’environnement.

Tous les sportifs ont des rituels, et quasiment tous ont des superstitions, mais leur nombre varie selon les individus. Les footballeurs ont donc des superstitions comme les autres sportifs. Des études ont montré que le degré de superstition des sportifs augmente avec le niveau de jeu (d’une manière générale, un joueur de L1 sera donc plus superstitieux qu’un joueur amateur). Le rituel et la superstition vont avoir plusieurs effets bénéfiques :

- Rassurer le sportif en lui donnant le sentiment de contrôler une situation incontrôlable,

- Se fixer dans un espace connu et sécurisé, et donc réduire l’incertitude qui est à la base du stress et de l’anxiété (le stress apparaissant lorsqu’on ne contrôle pas la situation, répéter toujours les mêmes gestes va permettre de le réduire en ayant le sentiment de contrôler tout ce qui dépend de nous-mêmes, réduisant ainsi l’apparition de situations anxieuses),

- Renforcer la confiance en soi,

- Atteindre une concentration optimale en éliminant les distractions

Malgré ces effets bénéfiques, il faut faire attention à l’accumulation de petites manies qui pourraient à force tourner à l’obsession et s’apparenter à des Troubles Obsessionnels Compulsifs (TOC) : lorsque le sportif perd le contrôle de ses petites habitudes et qu’il ne peut plus s’en passer, elles finissent par être nocives et l’handicaper dans la performance.

D’où viennent leurs gris-gris ?
Les gris-gris peuvent être personnels (porter le même numéro de maillot, mettre ses vêtements toujours dans le même ordre…), ou collectifs (avoir une place bien définie dans le vestiaire, amener une « mascotte » sur les matchs…). Concernant les gris-gris collectifs, l’individu reprend généralement ceux existant déjà à l’intérieur du groupe. Les rituels peuvent même parfois être directement transmis par les entraîneurs dès le plus jeune âge. En revanche, chacun construit ensuite ses propres superstitions et rituels personnels, qui relèvent généralement d’une symbolique affective : l’objet ou le nombre fétiche a une histoire ou une origine bien particulière et, malgré les apparences, n’est jamais choisi au hasard… La construction de la superstition peut s’expliquer facilement par ce que les anthropologues ayant étudié la « pensée magique » appellent la loi de similitude : « un effet est similaire à sa cause ». Par exemple, si un footballeur remarque que dans le vestiaire il avait mis son short avant son maillot lors des deux derniers matchs où il a marqué, il peut construire la superstition que procéder de cette façon lui permet de marquer : le superstitieux interprète un événement produit par le hasard pour guider ses choix. Consciemment ou non, le sportif se focalise sur certains événements qui ont pu se produire lorsqu’il a eu de la chance ou de la malchance, pour tenter de les reproduire ou de les éviter. Une fois que la superstition est installée, elle ne sera que rarement remise en cause si elle n’a pas fonctionné (= le footballeur a mis son short avant son maillot mais n’a pas marqué), mais elle sera en revanche renforcée en cas de succès.

Pourquoi la superstition est-elle devenue si importante chez les footballeurs ?
Les rituels et superstitions semblent avoir toujours existé dans le sport, il est donc assez difficile de savoir si les footballeurs en ont davantage aujourd’hui qu’auparavant. Les superstitions ont un côté passionnant pour les lecteurs et téléspectateurs, il y a donc de plus en plus d’articles ou de questions posées directement aux sportifs à ce sujet, donnant alors l’impression d’un essor des sportifs superstitieux. Cependant, le foot et le sport en général se professionnalisent sans cesse, augmentant le poids que les sportifs doivent porter sur leurs épaules lors des compétitions : les superstitions peuvent alors en effet leur permettre de diminuer la pression.

Pourquoi la superstition est-elle aussi tabou chez les joueurs ?
Il y a toujours un petit côté honteux à avouer que l’on est superstitieux, car le sportif sait bien que sa pensée n’est pas rationnelle. Il n’est donc pas toujours facile d’en parler, par peur du jugement des autres (en particulier de ses partenaires et de son staff), même si c’est de moins en moins vrai car l’efficacité des rituels et superstition est davantage connue aujourd’hui. Surtout, le sportif se doit d’avoir une grande confiance en lui et en ses capacités : il est plus valorisant de s’attribuer un succès que de l’attribuer à une pensée irrationnelle presque magique !

La superstition augmente-elle à l'approche, ou pendant une grande compétition ?
Tous les sportifs vont avoir leur propre mode de fonctionnement, donc il est difficile de répondre de manière stricte à cette question. Il semble néanmoins que ce soit souvent le cas, et ce pour une raison simple : la superstition servant à diminuer le stress, il est logique qu’elle apparaisse lorsque le niveau de stress est fort, donc un peu avant et surtout pendant la compétition. C’est le même processus pour les grandes compétitions : on imagine aisément que des compétitions telles que la Coupe du Monde ou les JO qui n’ont lieu que tous les 4 ans entraînent davantage de stress et d’anxiété que les matchs de L1 que l’on va disputer tous les week-ends…

Pourquoi le numéro de maillot est-il aussi important (il y a parfois eu des conflits entre certains joueurs) ?
C’est une des superstitions qui semble la plus partagée, mais qui a le désavantage d’avoir un impact sur les coéquipiers : si deux partenaires ont le même numéro fétiche (qui, on l’a vu plus haut, n’est pas choisi au hasard), comment fait-on pour les « départager » sans créer de conflit ? L’idéal en théorie serait qu’aucun des deux joueurs ne porte ce numéro voulu et qu’un travail soit entrepris avec eux pour « déconstruire » la croyance, quitte si besoin à la reporter sur une nouvelle superstition qui sera totalement personnelle (sans impact sur les coéquipiers). En pratique, c’est souvent plus compliqué, tant l’attachement au numéro est fort…

Que peut il se passer lorsque le joueur, pour n'importe quelle raison, ne peut pas faire ses gri-gri avant un match ? Peut il faire un mauvais match, être dans un état nerveux ou être plus exposé à la blessure ?
Si la superstition est vraiment très ancrée, oui cela peut arriver, mais c’est relativement rare. Généralement les sportifs ont d’autres ressources pour surmonter l’impossibilité de réaliser le rituel. Souvent, ils ont également plusieurs superstitions, donc si une ne peut pas être réalisée, elle peut être « conjurée / remplacée » par une autre. Cependant, faire un mauvais match à cause d’un rituel non réalisé interroge sur le rapport que le sportif entretient avec ses superstitions / rituels : ce sont eux qui prennent le dessus, donc le sportif ne les contrôle plus, et il est alors préférable de consulter avant qu’ils ne se développent encore davantage…

Pensez vous que chez certains, la superstition peut se transformer en problème collectif (joueur superstitieux ne voulant pas prendre l'avion, ou superstition trop complexe pour être réalisée dans un groupe) ?
Je n’ai pas d’exemples de ce genre. Dans un sport collectif, le sportif est obligé d’adapter ses rituels à la vie en groupe, donc s’il a un rituel trop complexe il sera obligé de le simplifier s’il veut continuer à vivre avec ce groupe. De même, ne pas vouloir prendre l’avion n’est pas compatible avec une vie de sportif professionnel de sport collectif. En sport individuel, c’est possible mais compliqué : Olivier Mutis (joueur de tennis français ayant arrêté sa carrière il y a une petite dizaine d’années) ne prenait pas l’avion, ce qui l’a grandement handicapé pour progresser au classement puisqu’il ne participait du coup qu’à des tournois européens (avec les autres problèmes que cela pose, comme la fatigue des trajets en train ou en voiture…). Mais là on sort du cadre des superstitions, on est plutôt dans la phobie.

Suivant la provenance des joueurs, les superstitions sont elles plus fortes (continent africain, ou sud américain) ?
Je n’ai jamais lu d’études sur ce sujet, je ne sais pas s’il en existe. Ce qu’on sait, c’est que les superstitions semblent avoir toujours existé, et ce dans toutes les cultures et civilisations.

Cela a-t-il un lien avec la religion ?
Beaucoup de superstitions « populaires » proviennent de la religion. Au départ, la religion et les superstitions qui en découlent servaient à pallier l’impuissance face aux catastrophes (naturelles surtout) et à organiser le monde. Les croyants semblent un peu plus superstitieux que les non-croyants : ce qui leur arrive est guidé par Dieu, leurs superstitions agissent comme des prières, elles permettent de faire appel à Dieu pour qu’il donne le « coup de pouce » qui mènera au succès. Mais on se rend compte également que des athés et des non-croyants peuvent aussi être superstitieux (d’ailleurs, il suffit de voir le nombre de personnes qui jouent au Loto les vendredis 13 ! Ils ne croient pas tous en Dieu, mais croient un minimum en la superstition…! Une étude de 2001 a montré que 53 % des français croient aux porte-bonheurs, mais 66 % estiment ne pas être superstitieux !).

Le football semble être l'un des sports les plus aléatoires qui soit (conditions de jeu, poteau rentrant ou sortant et l'un des rares sports où l'on peut marquer contre son camps). De ce fait, la superstition peut elle se rapprocher de certaines croyances divines ?
Cf. question précédente, la superstition va amener la part de chance nécessaire en faisant appel à une force surnaturelle capable de la contrôler (Dieu pour les croyants). C’est en raison de toutes ces choses que l’on ne peut pas contrôler (conditions météo, poteau-rentrant…) que les sportifs cherchent à contrôler le maximum de choses à côté (avec le sentiment que la superstition leur permettra de contrôler également ces éléments incontrôlables).

Avec l'âge, la superstition peut-elle disparaître ? (Un entraineur nous a confié qu'il était toujours aussi superstitieux que lorsqu'il était joueur)
Elle ne disparait généralement pas complètement, mais les études montrent en effet qu’elles semblent diminuer avec l’âge. Cela peut s’expliquer par l’investissement qui diminue au fil du temps. Cependant le football est un sport où les carrières sont assez courtes (une quinzaine d’années maximum), donc le degré de superstition ne diminue que peu au fil de la carrière. Il chutera logiquement ensuite en fin de carrière. Si le joueur se reconvertit en entraîneur, il peut rééprouver des émotions fortes qui « reboostent » ses superstitions. Les joueurs ne sont pas les seuls à avoir des superstitions, le staff en a également, et même les supporters devant la télé !

Avec la modernisation du football (arbitrage vidéo, présence de 5 arbitres), la superstition peut elle devenir moins importante ?
Je ne pense pas, il y aura toujours des éléments à contrôler, et il y aura toujours du stress et de l’anxiété à gérer. Si un joueur estime devoir porter le maillot 10 pour faire un bon match, ce n’est pas l’arbitrage vidéo qui lui fera changer sa croyance !

Enfin, avez vous déjà soigné, ou entendu parler de soins pour des joueurs devenus trop superstitieux ?
J’ai évidemment rencontré énormément de sportifs superstitieux (j’avais réalisé une étude – non publiée – auprès de 600 joueurs de tennis amateurs ; 85% d’entre eux semblaient avoir au moins une superstition !), mais encore jamais qui consultent pour cette seule raison. Ca vient généralement ensuite au cours des séances, on essaye alors de déconstruire la croyance et de privilégier la mise en place de routines de performance plutôt que de superstitions. Si les superstitions sont vraiment trop présentes, les séances s’orientent plutôt sur des techniques de TCC (thérapie cognitivo-comportementale), généralement efficaces pour traiter les problèmes de troubles obsessionnels compulsifs (TOC).

 


 

Interview réalisée en septembre 2014 pour Les Journées de l'Arbitrage, au sujet de la modernisation de l'arbitrage, notamment dans le football. Entretien complet ci-dessous.

 

Des citations de cet entretien sont retranscrites dans le dossier de presse "Tous Arbitres" des 13ème Journées de l'Arbitrage : http://www.ffbb.com/sites/default/files/presse/jna2014-doss-presse-15-10-2014.pdf

 

Journaliste : La dernière Coupe du monde de football a été marquée par l'apparition d'une nouvelle technologie, "goal-line technology", pour savoir si le ballon avait bien passé la ligne de but. L'utilisation de la vidéo fait de plus en plus débat et certains sports comme le rugby l'ont adoptée. Cependant, en football notamment, considérez-vous qu'il est nécessaire de garder une part d'humain dans l'arbitrage ?

Sébastien Magne : D’un point de vue personnel, je pense que les technologies d’aide à l’arbitrage dans le sport sont une bonne chose. Le sport est déjà une activité dans laquelle il y a suffisamment d’incertitudes, donc pourquoi se priver d’en amoindrir certaines ? On peut cependant concilier l’humain et la technologie, par exemple en autorisant les contestations d’arbitrage un certain nombre de fois dans le match seulement (comme au tennis). Lorsqu’un sport passe à l’arbitrage vidéo, il y a toujours débat, mais c’est finalement très vite accepté : dans le rugby comme vous l’avez cité, mais également dans le tennis où le système du « hawk-eye » a beaucoup rassuré les joueurs, en leur donnant la possibilité de contester une annonce de l’arbitre. Aucun tennisman aujourd’hui ne semble vouloir revenir sur cette avancée, qui tend à se généraliser sur de plus petits tournois. Le football met davantage de temps, mais il ne fait aucun doute que les instances de ce sport développeront d’autres supports à l’arbitrage que la « goal-line technology ». Le début de Championnat prouve une fois de plus que la vidéo serait bien utile : Bordeaux est en tête après 4 journées, dont 3 avec des décisions d’arbitrage très discutées (contre Bastia, Nice, et Monaco)…

Est-ce que si tout est régi par l'arbitrage (buts, hors-jeu, penalties, cartons...) il y a un risque que l'arbitre ne soit plus respecté ?

Au contraire ! Il n’y aurait aucune raison de ne pas respecter l’arbitre puisque ses décisions seraient vérifiées en cas de désaccords. Les erreurs d’arbitrage seraient considérablement diminuées, et donc les contestations quasi-inexistantes. Au risque de paraître utopique, le recours à la vidéo dans le football pourrait permettre à ce sport de sortir petit à petit de l’image de violence qui lui colle malheureusement à la peau…

Est-ce que le côté compensatoire que peuvent avoir certains arbitres après une erreur est nécessaire ? 

Je pense que non… L’arbitre est là pour faire respecter un règlement et non se laisser émouvoir. Compenser une erreur revient à faire une seconde erreur, c’est là qu’il risque de perdre en crédibilité et ne plus être respecté.

La féminisation de l'arbitrage est-elle l'avenir ?

Ca ne fait aucun doute. On commence enfin à voir des femmes arbitres dans un peu tous les sports. Comme toujours, le changement prend du temps, mais finit par s’imposer. Les femmes ont pendant longtemps été cantonnées à l’arbitrage de compétitions féminines. Certains sports ont ouvert la voie, comme le tennis où les matchs masculins (au plus haut niveau) peuvent maintenant être arbitrés par des hommes ou des femmes. Le basket (et le handball) aussi, où Chantal Julien a été la première femme (mais toujours la seule aujourd’hui…) à arbitrer un match masculin aux Jeux Olympiques. Le football (comme le rugby) y vient peu à peu, puisqu’une arbitre officie désormais au centre en Ligue 2, mais toujours pas en Ligue 1… Cependant, les barèmes doivent aussi être légèrement assouplis pour arriver à un semblant de parité, par exemple on demande actuellement aux femmes arbitres de courir aussi vite que les hommes… Ce handicap physiologique entraîne forcément un nombre restreint de femmes arbitres au plus haut niveau…

Les femmes peuvent-elles endiguer la violence ? Engendrer plus de respect que les hommes ? Mais à l'inverse, ont-elles moins d'autorité ? Face à un arbitre homme ou un arbitre femme, le comportement est-il identique face à une même décision bonne ou mauvaise ?

Je ne pense pas qu’on puisse faire de telles généralités. Certains hommes manquent naturellement d’autorité, alors que certaines femmes vont en avoir beaucoup. C’est d’avantage le caractère et la personnalité de l’arbitre qui va jouer un rôle plutôt que son sexe. On imagine assez mal un joueur insulter ou malmener une arbitre femme, alors qu’il n’hésiterait peut-être pas avec un homme. Par contre, on imagine plus facilement ce joueur la dénigrer s’il n’est pas d’accord avec sa décision… Etre une arbitre femme est loin d’être évident : elles sont certainement davantage respectées par les joueurs, mais doivent prouver encore plus que les hommes qu’elles sont légitimes à leur poste, et subir parfois des réflexions machistes. Concernant la violence, elle n’a en principe rien à faire sur un terrain de sport ! Lorsqu’elle surgit, l’arbitre est souvent dépassé, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme ! De même, il y a plusieurs arbitres sur le terrain, il ou elle n’est donc pas forcément seul(e) pour endiguer cette violence.

 


 

Interview réalisée le jeudi 21 août 2014 par le magazine SoFoot, publiée le 22 août 2014 sous forme d'article sur le site du magazine, au sujet de l'altercation entre Brandao et Motta

 

L'article est disponible sur le lien suivant : http://www.sofoot.com/c-est-comment-en-vrai-de-jouer-contre-motta-188176.html

 


 

Interview réalisée le mardi 29 avril 2014 par le journal l'Equipe, publiée le 1er mai 2014 sous forme d'article, au sujet des rituels et superstitions des sportifs

 

L'article est disponible sur le lien suivant : https://www.lequipe.fr/Ilosport/Archives/Actualites/Rituels-et-superstitions-au-c-oelig-ur-du-jeu/743794

Des passages sont également repris pour un article du journal Ouest-France daté du 30/04/15 : https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/data/482/reader/reader.html#!preferred/1/package/482/pub/483/page/14

 

 


 

Interview réalisée le jeudi 17 avril 2014 par le journal 20minutes, publiée dans l'édition nationale du vendredi 18 avril 2014, au sujet du "doute du buteur", en particulier d'Edinson Cavani (PSG). Entretien complet ci-dessous.

 

Un condensé de cet entretien a été publié sur le site du journal : http://www.20minutes.fr/sport/1355173-coupe-de-la-ligue-psg-ol-le-doute-du-buteur-ce-sentiment-qui-pollue-edinson-cavani

20minutes : Comment arrive-t-on à une telle période de doute ?
Sébastien Magne : C’est un enchaînement de plusieurs éléments qui vont avoir un impact sur la confiance en soi. Concernant Cavani, sa confiance avait fortement augmenté ces dernières saisons, portée par ses bons résultats en général, la demi-finale de Coupe du Monde en 2010, son statut de star à Naples l’an dernier, et le soutien des supporters. Ca ne l’a pas empêché de traverser d’autres périodes de doute (8 matchs sans but la saison dernière par exemple) et de les surmonter.
Au PSG, il s’est blessé après un bon début de saison (il a quand même marqué 15 buts pour 22 titularisations, et est le 2ème meilleur buteur derrière Ibrahimovic…), on ne peut donc pas lui demander d’être directement à son meilleur niveau dès sa reprise de la compétition. En plus, il y a une fatigue mentale due à son divorce, doublée d’une fatigue physique à cause de ses allers-retours en Uruguay et des matchs qui se sont enchaînés ces derniers temps. On ne peut pas bien jouer si on ne se sent pas bien physiquement et mentalement, en étant pollué par des éléments extérieurs (il a également dit qu’il y avait « des choses dont on doit parler avec le club, des choses qu’il faudrait faire différemment »).
On a seulement les éléments rapportés par la presse donc il est difficile d’affirmer quoi que ce soit, mais je pense qu’il s’est aussi mis beaucoup de pression lors des derniers matchs, et qu’il n’a pas su gérer cette anxiété. L’anxiété ça consiste à surévaluer les menaces et sous-estimer ses capacités à y faire face. En ce sens, lorsqu’il plonge à Lyon pour chercher le pénalty alors qu’il est dans une situation très favorable pour marquer, on peut penser qu’il a estimé que c’était la meilleure chance d’ouvrir le score, doutant alors de sa capacité à marquer directement. Cette action est très symbolique du doute qui entraîne des mauvais choix.

Dans quelle mesure l’absence d’Ibrahimovic peut-elle impacter le niveau de jeu de Cavani ?
Même si Cavani est très apprécié des supporters (du moins avant les derniers matchs…), il a toujours été dans l’ombre d’Ibrahimovic. En son absence, les projecteurs sont enfin braqués sur lui au PSG. Il a peut-être voulu en profiter pour sortir de l’ombre d’Ibrahimovic, montrer qu’il avait sa place de meneur également. Il a donc certainement voulu trop bien faire et s’est mis trop de pression.

Pourtant l’absence d’Ibrahimovic lui a permis de récupérer la place qu’il voulait occuper sur le terrain, et ça n’a pas donné grand-chose…
Effectivement, Cavani a récupéré la place qu’il voulait sur le terrain, mais ne l’ayant pas occupée ces derniers mois, il peut avoir un peu perdu ses automatismes. L’automaticité est essentielle pour bien jouer. Changer de poste et revenir de blessure sont deux éléments qui peuvent la faire diminuer. Mais les éléments essentiels qui vont faire baisser l’automaticité, c’est le stress, la pression, l’anxiété : quand ils sont trop présents on perd en relâchement, donc en automatisme, donc en performance, et donc en confiance. Tout s’enchaîne !

L’approche de la Coupe du Monde peut jouer aussi ?
Là encore il peut y avoir de la pression, car il se doit de prouver qu’il est au niveau auquel on l’attend pour être sélectionné (même si une non-sélection parait très improbable !). Et surtout, cette Coupe du Monde devient son objectif de la saison suite à la défaite en Ligue des Champions. La Ligue des Champions était l’objectif collectif du PSG, alors que la Coupe du Monde est plutôt un objectif personnel. Il souhaite certainement se préserver et ne pas prendre le risque de se blesser avant cette compétition. On ne peut pas vraiment lui reprocher, car les matchs à venir du PSG ont relativement peu d’enjeu, et la Coupe du Monde n’a lieu que tous les 4 ans ! Cependant, faire attention à ne pas se blesser est aussi le meilleur moyen de se blesser finalement ! L’attention est portée sur ses propres actions et moins sur l’environnement. En plus, l’anxiété réduit encore son champ attentionnel, donc ce n’est pas forcément un bon calcul…

Comment peut-il sortir de cette période de doute ?
Il a su le faire les saisons précédentes, donc il saura encore le faire. Ce qu’il y a, c’est qu’il ne faut pas l’enfoncer comme le font les journalistes ces derniers temps. Son anxiété est renforcée par les fortes attentes autour de lui (son arrivée au club a tout de même coûté 63 millions d’euros…). Le dialogue est essentiel : il y a visiblement des problèmes avec le club, donc il faut favoriser la discussion et l’impliquer dans les décisions. Il faut réduire l’importance des matchs à venir en fixant d’autres objectifs qu’uniquement la victoire, identifier les causes de son anxiété, se centrer sur l’action davantage que sur les éléments extérieurs, et utiliser des techniques d’arrêt des pensées négatives. S’il se sent soutenu par ses proches et son staff, ça facilitera grandement les choses, l’enfoncer encore plus ne l’aiderait pas du tout !

 


 

J'ai été interrogé, le lundi 14 avril 2014, par le journal 20minutes concernant les deux récentes défaites du PSG (quart de finale retour de la Ligue des Champions contre Chelsea / 33ème journée de Ligue 1 contre Lyon). Vous pouvez retrouver l'entretien ci-dessous.

 

20minutes : L’élimination en quarts de finale de la Ligue des Champions a laissé des traces…
Sébastien Magne : Il est possible que les joueurs se soient déjà vus en demi-finale avant l’heure, portés par les fameux « 78 % de chance » de se qualifier que relayaient les journalistes. Il est difficile de pleinement se mobiliser lorsqu’on pense la partie jouée d’avance et, dans ces cas là, il suffit d’une ou deux petites situations de jeu qui tournent à l’avantage de l’adversaire pour que le doute s’installe. Il est alors trop tard et tout s’enchaîne vite ensuite. Le problème sur ce match a peut-être été tactique, en n’osant pas jouer un jeu offensif : au lieu de vouloir gagner, ils ont cherché à ne pas perdre. Cependant, il s’en est fallu de peu pour que ça porte ses fruits, et si cette tactique avait été payante, personne n’y aurait rien vu à redire… !

Comment expliquer le manque d’engagement aperçu dimanche contre Lyon ? On ressent une démotivation, un laisser-aller…
Je ne pense pas qu’on puisse parler de laisser-aller, les joueurs cherchent toujours à faire de leur mieux. Effectivement, la défaite contre Chelsea la semaine dernière a sans aucun doute été une grosse désillusion pour l’équipe et peut légitimement faire baisser la motivation : la Ligue des Champions était le plus gros objectif de la saison, et cet échec inattendu au match retour met forcément un coup au moral des joueurs et du staff. C’est un travail de plusieurs mois qui s’effondre. Il n’est pas évident de se relancer dans une autre compétition (Championnat de France) tout de suite après, d’autant que, là encore, elle est quasiment déjà gagnée. Il ne faut pas oublier non plus qu’ils affrontaient hier une des autres grandes équipes de L1 (Lyon), et à l’extérieur. Enfin, l’absence d’Ibrahimovic peut également peser. Même si les victoires et les défaites sont collectives, Ibrahimovic est un leader incontesté, même s’il n’est pas capitaine.

Selon vous, que doit faire Laurent Blanc pour remobiliser ses troupes suite à ces deux défaites ?
Deux défaites d’affilées contre deux très grandes équipes ne doit pas faire penser qu’ils entrent dans une spirale négative de défaites. Il ne faut pas oublier que ça reste leur première défaite sur les 16 derniers matchs de L1, beaucoup de clubs aimeraient avoir de telles stats ! Nul doute qu’ils sauront se remobiliser. Pour se remotiver, il faut favoriser le dialogue entre les joueurs et le staff, voir ce qui a marché, ce qui n’a pas marché, et ce qu’on peut mettre en place à l’avenir. Le but est d’impliquer les joueurs dans les décisions qui sont prises. Il faut porter son attention sur les prochains matchs, et non plus sur ceux qui sont passés et sur lesquels on ne peut de toute façon plus agir ! Il est surtout important de se fixer de nouveaux objectifs communs, comme par exemple le doublé Coupe de la Ligue / Championnat de France. Ca commence donc dès samedi, là encore contre Lyon, mais cette fois-ci à domicile et avec un tout autre enjeu. D’ici là, Laurent Blanc aura très certainement trouvé les mots pour remobiliser pleinement son équipe et renforcer leur sentiment de compétence : il peut s’appuyer sur le positif de la rencontre d’hier, à savoir par exemple les occasions obtenues ou la possession de balle à 66 %...